L'Âne et le Boeuf Louis Auguste Bourguin (1800 - 1880)

Aimait éperdument la fille d'un pauvre homme.
N'ayant pu la séduire, il demanda sa main.
Le père de la belle était un vieux Romain.
Qui répondit: « Seigneur, à la même voiture
Un âne avec un bœuf fut un jour attelé.
Au vigoureux sommier tout fier d'être accouplé,
S'il rencontrait par aventure
Un de ses frères de nature
Pliant sous un lourd sac de blé,
L'insolent parvenu lui criait : « Passe au large, »
Comme si du contact il eût été souillé.
Mais d'un tel compagnon le bœuf humilié
S'arrange pour n'avoir que sa part de la charge.
L'âne en vain s'évertue et fait tous ses efforts,
Son ardeur le trahit, promptement épuisée :
La sueur inonde son corps ;
Il tremble et tombe enfin, triste objet de risée.
Le voiturier brutal détache le baudet,
Mais non pas sans jurer de la bonne manière,
Et sur sa maigre échine il fait siffler son fouet.
Meurtri, les flancs souillés d'une ignoble poussière,
Vers le pâturage des bœufs
L'âne accourait pour se refaire,
Quand à grands coups de corne il fut reçu par eux.
Revenu vers les siens tout triste et tout honteux,
Les baudets, ses vieux Camarades,
L'expulsèrent de même avec force ruades.
Tel serait mon sort, je le vois,
Si j'allais m'allie à ta noble famille ;
A quelque artisan comme moi
J'aime mieux marier ma fille :
Je ne serai de lui ni des siens rebuté,
Je n'exciterai point le mépris ni l'envie,
Et, dans la douce intimité
D'amis qui me sont chers, j'achèverai ma vie. »

Livre III, Fable 14, 1856


L'histoire ne se passe pas dans la crèche de Noël.

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