Au temps de l'ardente chaleur,
Alors que jaunit la prairie,
Et que sur sa tige flétrie
On voit se dessécher la fleur,
Un Ane allait cherchant l'ombrage.
Il rencontra sur son passage
Des Bœufs réunis en troupeau
Qu'un Pâtre menait boire au plus prochain ruisseau.
« Tant de bonté, dit l'Ane, est vraiment admirable !
Je ne vois rien de comparable
Aux soins que montre l'homme envers ces animaux :
Aussitôt que Zéphir ranime la verdure,
On les voit, sortant des hameaux,
Parmi les prés errer à l'aventure,
Y prendre, sans rien faire, une ample nourriture ;
Us étanchent leur soif dans les plus belles eaux ;
Et lorsque l'Aquilon attristant la nature,
A fait à la chaleur succéder la froidure,
L'homme encor par des soins nouveaux
Les nourrit, tout l'hiver, dans des réduits bien chauds ! »
— « De ces soins, dit un Boeuf, veux-tu savoir la cause ?
L'intérêt qu'on nous porte est bien la moindre chose !
L'homme ne voit que lui. Toi-même en vas juger :
Il nous veut gros et gras; pourquoi ?.. pour nous manger. »