On voit peu profiter le mensonge au menteur.
Un méchant Satirique, un lâche Adulateur
Ensemble un jour se présentèrent
Au palais de la Vérité;
(C'était de la témérité !)
Et là tous deux sollicitèrent
Le prix de leurs brillants travaux.
« C'est juste, leur dit la déesse,
Faites valoir vos droits : à vous je m'intéresse. »
Le Flatteur dit : « Ma muse a chanté les héros;
J'ai prôné dans mes vers les princes despotiques ;
J'ai loué la douceur de leurs lois tyranniques.
J'ai peint le peuple heureux quand il était en pleurs.
Des Tibère du jour j'ai vanté les fureurs
De leurs vices honteux colorant le scandale,
J'ai fait pour leur usage un code de morale. »
—" Moi, dit le Satirique avec un ris moqueur,
Je n'ai loué personne! armé d'un fouet vengeur,
Je me suis avancé fièrement dans la lice.
Sous mes coups redoublés j'ai fait gémir le vice.
Pour complaire aux puissants j'ai noirci la vertu;
Quiconque les blessa fut par moi combattu;
Et forgeant à loisir mes foudres sur l'enclume,
Je les remis aux mains de qui paya ma plume.... »
— « C'est fort bien, dit la Vérité;
Chacun de vous aura ce qu'il a mérité :
Recevez ce tribut de ma reconnaissance,
Qu'il soit de vos travaux la juste récompense. »
En même temps, elle offre à chacun d'eux.
Un vase de liqueur qu'ils prennent tout joyeux
Ils y portent la bouche et jettent le breuvage
En faisant la grimace et frémissant de rage
Qu'était-ce donc? Pour l'un, du poison dans du fiel;
Pour le, second, du poison dans du miel !