La Réclame, la Vérité et la Nouveauté Augusta Coupey (1838 - 1913)

La Réclame et la Vérité
Proposaient à la Nouveauté
D’annoncer par toute la terre
Que l’Industrie était sa mère
Et l’Art français son noble père.
À cette annonce, les marchands,
Femmes coquettes, verts galants,
Couturières, tailleurs, modistes,
Princes, bourgeoises, nouvellistes,
Bien empressés l’adopteraient
Et sur-le-champ s’en pareraient. —
Je me place sous votre égide,
Leur répondit la Nouveauté ;
Mais d’un naturel très-timide
Elle ajouta : la Vérité
Suffira pour que l’on m’admette. —
Ah vraiment ! vous vous croyez prête
Aux apothéoses publics ?
Acceptons-en les pronostics,
Grinça d’une voix courroucée
La Réclame ainsi repoussée.
Sans elle on partit pour Paris,
Le temple d’or des beaux esprits

Où le succès tient du prodige,
(Surtout quand soi-même on l’érige)
La Vérité qui ne transige
Avec l’insigne fausseté,
Nue exposa la Nouveauté.
Pas un bijou, pas une mouche,
Folâtrant au coin de la bouche
N’embellissait la blonde enfant
Vêtue assez légèrement
De l’air du temps. Le monde passe.
Sans lui trouver la moindre grâce
Ni le plus petit agrément.
Sur les minuit : Bonsoir fillette !
Dit la Réclame à la pauvrette ;
Êtes-vous en vogue à Paris ?
Peuple, manants, bourgeois, marquis,
De vos charmes font-ils emplète ? —
Las ! Madame, nul ne m’achète.
En vain l’on a baissé mes prix,
L’heure s’écoule, je vieillis
Dédaignée, obscure, inutile ;
Cette nuit nous quittons la ville,
Car dès demain la Nouveauté
Passerait pour l’Antiquité. —
Probablement. Mais en lumière
Laissez-moi vous mettre ma chère ;
J’ai des échasses, j’ai des fards,
Des affiches et des placards
Amorçant les badauds crédules
Avec leurs lettres majuscules.

Fut dit, fut fait. Dans tout Paris
Annoncée à cor et à cris
La Nouveauté se communique.
Elle eut un succès magnifique.

Livre V, Fable 14




Commentaires