L'Âne et ses trois Maîtres Louis Auguste Bourguin (1800 - 1880)

Un bûcheron mourut, laissant à ses trois fils
Un âne pour tout héritage.
Ne trouvant pas moyen d'en faire le partage,
Les trois frères furent d'avis
De le garder entre eux comme chose commune.
« Chacun, se disaient-ils, ayant droit à son tour
De s'en servir pendant un jour,
L'âne et le ciel aidant, nous chercherons fortune. »
L'aîné, comme de juste, eut l'âne le premier.
Il le conduit au bois et du bois à la ville,
Le frappant sans pitié d'un bâton de cormier.
Mais quant à le nourrir, c'était chose inutile,
Pensait l'avare ; l'animal
Chez mon frère demain trouvera l'abondance,
Ménager mon fourrage est profit et prudence,
Abstinence d'un jour n'a jamais fait de mal.
Près du frère cadet tout se passa de même :
Du travail et des coups ; d'orge et.de foin, néant.
De même aussi chez le troisième.
« En marche pour le bois, animal fainéant!
Avant l'aube criait l'impitoyable maître,
En marche ! Eh quoi 1 tu voudrais paître !
Mes frères t'ont gâté, paresseux, je le vois,,
Us t'ont à trop bien vivre habitué sans doute ;
Je veux faire autrement. » Mais l'âne celte fois
Ne peut même aller jusqu'au bois :
De faim, d'épuisement il tombe sur la route,
Un fossé devint son tombeau.
Mes ladres, maintenant partagez-vous là peau !

Livre V, Fable 14, 1856




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