UN pauvre Villageois allait subir le fort
Auquel tous, en naissant, Nature nous condamne,
Trois enfanttttttts qu'il avait l'assistaient à la mort.
Je n'ai d'autre fortune à vous laisser qu'un Ane,
Mes fils pour en jouir, tâchez d'être d'accord,
Dit-il, qu'à jour nommé chacun à son service
L'emploie, et ce jour- là le soigne et le nourrisse,
Le père mort, l'ainé doit commencer le tour ;
Il fait trimer le Baudet tour le jour,
Force bourrade, et point de nourriture :
C'est à mon frère à le nourrir demain.
L'Ane est fobre de sa nature ;
Il n'en ira pas moins son train
Pour chômer un jour de pâture.
Le second vient le lendemain
Avant jour bâter sa monture.
L'Ane a, dit-il, le ventre plein,
Le frère a fait bonne mesure,
Et de tout le jour, je m'assure,
Que le Baudet n'aura pas faim.
Et la chétive créature
A du bâton, et point de pain.
Le lendemain même aventure.
Ces deux jours-ci, dit le cadet,
Il s'en est donné le Baudet.
Je crois pouvair, en conscience,
Mettre de côté sa pitance ;
L'Anon deviendrait trop replet,
Il lui faut un peu d'abstinence.
Ce qui fut dit fut fait.
L'animal affamé succombe ;
Les quatre pieds lui manquent net,
Et l'Ane surchargé tombe
Sous le faix,
Pour ne se relever jamais.