Un Âne fort rétif ne passait pas un jour
Sans jouer quelque mauvais tour,
A son maître accablé par l'âge.
L'Âne ruait souvent, le maître frappait fort ;
Ils avaient en cela grand tort :
Bref, tous deux réunis, faisaient mauvais ménage !
Plus hargneux que jamais, un jour le vieux roussit),
S'arrête au milieu du chemin
Et refuse tout net de rentrer au village.
Son maître en le frappant le sermon en ces mots :
« Eh ! toi, le plus têtu de tous les animaux,
Tu te plais toujours à mal faire !
Aurais-lu donc juré de n'obéir jamais ?
Tiens de bien te dresser, vraiment je désespère !
Avec moi, pourquoi donc ne fais-tu pas la paix ? »
L'âne lui répondit : « Maître voici l'affaire :
Pour me faire marcher vous m'accablez de coups ;
Votre fouet très-souvent me déchire l'échiné ;
Il n'est pas étonnant que je fasse la mine!
Et que mes coups de pied vous montrent mou courroux !
Mais tenez, soit dit entre nous,
Ma malice est assez petite :
Cessez d'être brutal, j'aurai bonne conduite.
Il est arrivé de tous temps,
Qu'on a fait du mauvais ouvrage
En abusant des châtiments :
L'âne ne serait pas si méchant, si sauvage,
Si l'ânier se montrait plus sage !