L'aveuglement des Hommes L-S du Ruisseau (16?? - 17?)

Tous les Hommes sont fous, dit un fameux Critique,
La différence n'est que du plus et du moins
Ce qu'il avance est sans réplique,
Nous en sommes tous les témoins.
Nul n'est exempt de cette maladie
Qu'entre nous , nous nommons folie,
A celui qui voudrait là-dessus contester,
Je voudrais seulement cet exemple citer.
Autrefois dans certaine ville,
Il nous importe peu du nom,
Le feu prit dans une maison
D'un puissant et riche Pupile.
Le plus proche voisin, à force de crier,
Ayant mis, en moins d'un quart-d 'heure,
Tout en alarme le quartier,
Jusqu'aux plus vieux Bourgeois, tout fort de sa demeure.
Mais quel fut leur étonnement,
De voir nôtre Crieur, de fagots, de résine,
De souffre, de térébenthine,
Remplir partout son logement.
Eh quoi ! lui dit l'un d'eux dans le même moment,
Mon ami rêvez-vous , êtes vous en délire,
Ou la Lune sur vous a-t-elle quelqu'empire ?
Quoi ? vous criez au feu tandis que fans raison,
Vous remplissez votre maison
De tout ce qui n'est bon qu'à la réduire en cendre.
Hé quel droit avez-vous de me venir reprendre ?
D'où vous vient cette autorité ?
Repart l'autre aussitôt de fureur transporté.
Réservez pour vous seul ces avis salutaires,
Et mêlez-vous de vos affaires.

Lorsque l'on voit l'on quelqu'un au milieu des tourments
Souffrir la peine de fon crime,
A blâmer le pêché tout le monde s'anime ;
Mais voit-on qu'on renonce à ses dérèglements ?
Ne fuit-on pas toujours le même train de vie ?
Peut-on pousser plus loin l'excès de la folie ?
Et n'est-ce pas là proprement
Donner au feu de l'aliment ?
Tandis que pour l'éteindre au secours l'on s'écrie.
Et la plupart encor dans cet aveuglement,
Reçoivent les conseils aussi brutalement.

Livre I, fable 7




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