Les trois Limousins L-S du Ruisseau (16?? - 17?)

Trois Limousins avoient entrepris un Voyage,
Tous trois du métier de Maçon ;
Des Gens de cette Nation,
C'est le principal apanage.
Nos Gens étant un jour du chemin fatigués ,
Autant par la chaleur, comme par la poussière
Ne trouvant Ruisseau, ni rivière,
Furent terriblement de la soif tourmentez.
Enfin, un puits se trouve au milieu du passage,
De deux Toises de profondeur,
Bertrand qui du Trio passait pour le plus sage,
En fronçant le sourcil , dit d'un ton de Docteur >
Enfants, vous me semblez en peine,
Comment et fans corde et fans chaîne,
Nous pourrons puiser de cette eau ;
Mais nous en boirons à gogo,
Si nous exécutons l'invention nouvelle
Que je viens de tirer du creux de ma cervelle.
Toi donc, poursuivit-il, Camarade Garo ,
Empoigne-moi la jambe auprès de la cheville ,
Et me laisse couler doucement dans le puits ;
Fais-en autant, Camarade Garguille :
Après avoir le pied de Garo pris,
La longueur de nos corps nous suffira, je pense,
Pour emplir le vaisseau que je tiens à la main ;
Ce conseil applaudi, Bertrand l'œuvre commence,
En qualité d'Auteur de ce sage dessein,
D'abord Garo le fuit, Garguille au pied le tient.
Mais la machine étant plus lourde qu'une écharpe,
Le dernier s'écria jambe à Garo m'échappe
Eh bien, lui repartit Bertrand,
Crache en ta main et te reprend,
Aussitôt fait que dit, Garguille lâche prise,
Lors Bertrand et Garo, plus vite que le pas,
S'en vont tous deux, la tête en bas,
Non pourtant sans quelque surprise,
Boire avant que d'avoir commencé leur repas.

Tel s'imagine avoir la Sagesse en partage,
Qui n'en a pas plus que Bertrand,
Et qui dans ses projets, comme dans son ménage,
Fait voir qu'il n'est qu'un ignorant.

Livre I, fable 6




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