Le Chat et la Souris L-S du Ruisseau (16?? - 17?)

Un Chat, la terreur des Souris,
Qui pour les attraper était toujours alerte,
En avait dépeuplé presque tous les logis.
C'était assez pour lui qu'une chatière ouverte.
Une d'elles s'étant , des pates du Matou,
Où mille de ses sœurs avoient perdu la vie,
Jusqu'alors toujours garantie,
N'osait plus sortir de son trou ;
Mais aussi ne mangeait que le quart de son sou.
Un jour le scélérat d'un ton de chatemite,
Lui fit, mais de loin, ce discours ;
Ma Chère, prendrez-vous toujours ,
Dès lors que je parais et l'alarme et la fuite ?
Trouvez-vous donc en moi quelque chose d'affreux ?
Mon corps est cependant presqu'au votre semblable,
Si vous en exceptez les charmes de vos yeux,
Vos attraits , votre air agréable,
Votre vivacité jointe à votre enjouement,
En un mot votre gentillesse.
Quoique fort éloigné d'inspirer la tendresse,
D'un poil, tout comme vous, n'ai-je pas l'ornement ?
Mais à tout ce beau compliment ,
Damoiselle Souris faisait la sourde oreille.
Le Galant qui vit bien que c'était temps perdu,
De dire qu'elle était du monde la merveille ,
Crût qu'un peu de fromage aurait plus de vertu
Etant, comme elle était, plongée en la disette de la Pauvrette,
Il en vint donc poser aux yeux
A quelque distance du trou ;
Après quoi le rusé Filou ,
S'en alla se tapir près d'un fac de farine.
La Souris ne le voyant plus ,
Au morceau de fromage aussitôt s'achemine
Mais lui , dans deux sauts tout au plus ;
Du trou lui coupe le refuge ,
Ensuite la hape et la gruge.

Telle se peut vanter d'avoir par sa raison
Rejeté d'un Galant les flatteuses paroles,
Qui, pour ne succomber à l'éclat des pistoles
A besoin de cette Leçon.

Livre I, fable 5




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