La Vieille, le Chat et les Souris Désiré-François Le Filleul Des Guerrots (1778 - 1857)

Certaine vieille, on la nommait Ragonde,
Aimait à tel point les souris,
Que pour les voir en foule envahir son logis,
Flairer, trotter, faire leur ronde,
Elle leur prodiguait noix, fromage , biscuits.
Son chat, de tous les chats du monde
Le plus narquois, le plus subtil,
Ne les aimait pas moins , trouvant ces demoiselles
Gentilles à croquer ; aussi les croquait-il
Dès qu'un heureux destin le conduisait près d'elles,
Cette façon d'aimer doit faire peu d'amis :
Il s'en faisait si peu, que toutes à la file
De Ragonde un matin assiégèrent l'asile
Pour demander l'exil du rominagrobis.
La vieille du sournois n'ignorait pas les crimes ;
Mais elle aimait le chat autant que les souris,
Et le bourreau non moins que les victimes.
Bannir Minet ! sa faiblesse, à ce prix,
D'unpeuple dont lesjeux pour elle avaient des charmes
Ne consentit jamais à calmer les alarmes.

Aux méchants être bon est-ce un heureux penchant ?
Souvent cela s'appelle aux bons être méchant.

Livre I, fable 16




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