— Que ferons-nous de Jean, notre garçon?
Certes, je ne veux plus qu’il travaille à la terre;
Le métier d’avocat me paraît assez bon,
Mais il peut vivre sans rien faire.
Ainsi parlait un laboureur
Qui, jusqu’ici, de son labeur
Gagnait, bon an mal an, au fond de son village,
Pour soutenir tout le ménage.
Mais quoi ! voici nos paysans
Devenus tout à coup des grands :
Un cousin mort là-bas, au fond de l’Amérique,
Les fait, par un acte authentique,
Ses héritiers; or il s’agit, dit-on,
De plus d’un million.
Lecteurs, vous comprenez sans peine
Que désormais ils vivront en bourgeois;
Car ils vont acquérir quelque vaste domaine,
Et leur fils peut briguer les plus brillants emplois.
Déjà nos campagnards dépourvus de prudence
Font plus d’une folle dépense.
Mais bientôt on apprend la triste vérité :
Le cher cousin est en bonne santé,
Son héritage était un conte ;
Plus pauvres que jamais les voilà revenus.
Sur les souliers d’un mort, ami, ne fais point compte :
Tu risquerais d’aller pieds-nus.