Un daim trop curieux sortit de son domaine
Pour s’approcher de l’homme et voir les champs féconds.
Pendant qu’il courait dans la plaine,
Franchissant, dans ses bonds,
Les grands fossés de ligne et les hautes clôtures,
Quelques chiens vagabonds l’aperçurent soudain.
La chasse commença. La peur et ses tortures
Étreignirent d’abord le cœur du pauvre daim,
Puis il se mit à fuir.
Les chiens, de bonne race,
Flairant sa trace,
Le poursuivent toujours et le serrent de près.
C’est à qui lui fera la première morsure.
Mais il voit un fermier qui creuse ses guérets,
Et cela le rassure.
Il s’élance vers lui ; c’était son seul recours.
L’homme arrête les chiens, même il les met en fuite.
— Merci bien de votre secours ;
Je m’en vais tout de suite,
Dit le daim aux abois,
Les miens m’attendent dans les bois.
— Pas du tout, mon mignon ; vous me devez la vie,
J’entends bien vous garder et prendre soin de vous.
Vous allez faire des jaloux ;
Venez.
La pauvre bête, humblement asservie,
Suivit son maître, et, pendant le trajet,
Se demanda souvent quel était son projet.
Elle fut mise en bergerie,
Fut caressée et bien nourrie,
Mais, un bon matin,
On la tira de là pour en faire un festin.
L’imprudent qui dépense et follement s’endette,
Harcelé tout à coup par plus d’un créancier,
Croit trouver un sauveur quand, hélas ! il se jette
Dans les serres de l’usurier.