Un pauvre fou, raconte un sage de la Chine,
Était impatient de voir croître ses blés ;
Et, dans l'égarement de ses esprits troublés,
Il en soulevait la racine,
La tirant de terre à moitié.
Qu'arriva-t-il ? On le devine,
Le lendemain ses blés étaient séchés sur pied.
Du portrait de ce fou tel qui rira peut-être,
En y regardant mieux, pourrait s'y reconnaître.
C'est en France surtout que, pressés de jouir,
Nous semblons tous atteints d'un semblable vertige.
Pas tant de hâte, amis ! Laissons grandir la tige,
Laissons la fleur s'épanouir ;
Lé secret de la vie heureuse
N'est pas dans cette ardeur haletante et fiévreuse :
L'homme sage, ami du repos,
Dans le temps ayant confiance,
Sur l'arbre de la patience
Cueille, dans la saison, des fruits mûrs à propos.