Jupiter dit un jour du haut de ses sommets :
« Mortels, prenez la terre, elle est votre héritage ;
Je Vous la donne à tout jamais,
Pour en faire entre vous un fraternel partage. »
Et quiconque a des mains, les étend pour saisir,
Tous sur les biens offerts se jettent, troupe avare.
A son gré chacun peut choisir :
Des champs et des troupeaux le laboureur s'empare ;
Le trafiquant remplit ses vastes magasins ; «
Le noble s'attribue aubaine et droit de chasse ;
.Le roi barre ponts et chemins,
Et dit : « Payez mes droits, ou personne ne passe. »
Et quand depuis longtemps lé partage était fait,
Le poète rêveur un jour vint à paraître.
D'où sortait-il ? Nul ne le sait, .
Mais il a trop tardé, Chaque chose a son maître.
Il réclame sa part, et de tous rebuté,
« O mon père, dit-il air maître du tonnerre,
C'est moi qu'ils ont déshérité,
Moi ton enfant soumis, moi leur plus tendre frère !
— De ceci, dit le dieu, je ne suis pas garant ;
Puis, où donc, étais-tu, quand la chose s'est faite ?
Au pays des songes errant—?
— Non, j'étais près de toi, répondit le poète ;
Mes yeux étaient fixés sur ton front radieux,
Des sphères mon oreille écoutait l'harmonie ;
Pouvais-je, ravi dans les cieux.
Aux choses d'ici-bas ravaler mon génie ?
— Sur la terre, ô mon fils , je ne puis rien pour toi :
Biens, dignités, emplois, tout est pris, rien ne reste ;
Mais dans l'Olympe auprès de moi
Viens, pour toi va s'ouvrir la demeure céleste. »