D’une maison et d’un comptoir
D'honnêtes commerçants, communs propriétaires,
Ayant vu des monts d’or accroitre leur avair,
Pour cesser tout commerce arrangeaient leurs affaires.
Le partage des biens devint un cas urgent ;
Mais où vit-on jamais sans dispute un partage ?
Pour diviser le fonds et répartir argent,
Chacun à qui mieux mieux se montrait exigeant :
De la grand bruit et grand tapage,
Soudain l'on crie: « Au feu! l'incendie est tout près !
Courez vite sauver maison et marchandise!
—Allons! repart l'un d’eux; faut-il qu'on nous le dise?
Nous reviendrons plus tard régler nos intérêts.
— Non, dit un autre, aux cris ajoutant la menace,
Si vous ne payez mille écus
Qui pour ma part me sont bien dus,
Je ne veux point quitter la place.
— Moi, l'on n’en doit deux mille, et mon compte est bien clair,
Ripostait un troisième. — Eh ! non, non ! je proteste.
Il faut d’abord savair, mon cher,
Le pourquoi, le comment, et la somme et le reste. »
Nos benêts, à grand bruit, disputaient, sans songer
Que, par la flamme atteint, leur bien courait danger,
Le feu s'avance; la fumée
Vient enfin étouffer leurs cris,
Et leur fortune consumée
Fait sur eux crouler ses débris.
N’en est-il pas ainsi dans de plus hautes sphères ?
Maint empire jadis, à sa perte arrivé,
Par de communs efforts aurait été sauve;
Mais, sans prendre souci des publiques misères,
Dans le malheur de tous chaque intérêt privé
Ne sait songer qu’a ses affaires.