Pluton disait un jour au messager des dieux :
« La vieillesse engourdit le bras de mes Furies ;
J'entends plus rarement l'écho des sombres lieux
Répéter les cris ‘odieux
Des ombres sous leurs fouets sanglantes et meurtries.
Je veux sans plus tarder y mettre ordre : il le faut,
Ou mon sceptre, aux méchants jadis si redoutable,
Bientôt leur servirait de risée et de fable.
Cherche-moi donc, Mercure, au monde de là-haut,
Trois femmes au cœur dur, haineux, inexorable,
Pour remplacer Mégère et ses sœurs. — Avant peu,
Tu les auras, Pluton, j’ose en répondre ; adieu. »
A quelques jours de 1à, Junon dans L'empirée
Disait:« Ne vois-tu pas, Iris,
Quels regards insultants lance sur moi Cypris ?
Seule, elle se prétend, sur Ta terre, adorée ;
De notre sexe entier son. fils soumet les cacheurs,
Nul n’échappe a ses traits vainqueurs ;
Telle est. de ses discours.la superbe arrogance,
Mais je saurai briser un orgueil qui m’offense.
Tu vas descendre, Iris, au terrestre séjour ;
Tache d’y trouver trois mortelles
Dont les chastes cours à l'amour
Se soient toujours montrés rebelles.
J'en ferai trois nymphes nouvelles ;
Pourquoi n’aurais-je pas mes Grâces à mon tour ?

Je veux ceindre leurs fronts de roses éternelles
Et pour narguer Cypris, les admettre à ma cour. »
A peine elle a parlé que du haut de la nue,
Sur l'are aux sept couleurs, Iris est descendue,
Elle parcourt la terre, et du monde habité
Pas un coin qui ne soit par elle visité.
Enfin découragée, aux cieux elle remonte, —
« Tu reviens seule, Iris ! O siècle impur ! 6 honte !
— Déesse, dit Iris, j’avais pourtant trouvé
Trois vierges au cœur éprouvé:
De peur de se laisser surprendre
Aux artifices de l’amour,
Elles avaient banni sans regret, sans retour, |
Et l'amitié trop vive et la pitié trop tendre ;
Elles n’avaient jamais caressé d’un regard
Aimable enfant ou bon vieillard,
Tant leur pudeur était austère !
Valais donc ; 6 Junon, les ravir4 la terre, -
Mais il était trop tard, et pour un autre emploi
Mercure au ténébreux empire
Avait ordre de les conduire.
— Un autre emploi !... De grâce, Iris ; expliqué-toi:
Et qu’a besoin Pluton de. mes vierges chéries ?
Qu’en peut-il faire ? —Des Furies.»

La bonne Iris tomba dans une étrange erreur,
Sans doute par excès de zéle.
Soyons plus clairvoyants: ne prenons pas, comme elle,
L’insensibilité, la dureté du cœur,
Pour l’aimable vertu, pour la sainte pudeur.

Livre I, Fable 13, 1856




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