Holà, disait Pluton au Messager des Dieux,
Holà, Mercure ! Mes Furies
Commencent à vieillir, et leurs mains affaiblies,
En dépit de mes fouets les plus officieux,
Déjà ne portent plus que des coups inutiles :
Adieu les cris, les pleurs ! Ces supplices stériles
Me rendraient, à la fin, mon Tartare ennuyeux.
Va donc, fils de Maïa, va parcourir la terre,
Et m'y découvre, sans retard,
Trois filles possédant, chacune de sa part,
Les deux bras musculeux, mais, surtout, l'âme austère,
Que réclame un tel ministère…..
Il avait dit ; Mercure part.
À quelque temps de là, Junon, à sa Suivante,
Disait Alerte, Alerte, Iris !
La mission est importante :
Il faut me trouver, à tout prix,
Trois filles, dont chacune, aux deux autres pareille,
Soit un modèle de vertu :
Ah ! de chez les mortels, bonne Iris, puisses-tu
M'amener, un beau jour, cette triple merveille !
Si l'on en croit Cypris, elle a su, par son art,
Faire qu'en nulle femme il n'est plus de sagesse.
Je veux humilier l'orgueilleuse Déesse !
Rends-toi vite là-bas : sera-ce donc hasard,
Que tu découvres, tôt ou tard,
Trois Belles dont le cœur se soit montré sans cesse
Exempt de tout amour, pur de toute faiblesse !...
Junon se tait ; la Messagère part.
Dès qu'ici-bas elle fut descendue,
Il n'est, Jupin le sait, ni climat ni pays,
Que n'alla visiter l'infatigable Iris.
Hélas, ce fut peine perdue :
Iris s'en retourna comme elle était venue,
Seule !... À ce contre-temps : Quoi, s'écria Junon,
Quoi, seule !... Et la vertu ne serait plus qu'unnom !...
Jupin sommeille-t-il en sa gloire éternelle,
Ou Minerve le cède-t-elle,
Par l'ordre du Destin, à l'infâme Cypris ?
Déesse, lui repart Iris,
Du pays qu'habitaient jadis les Amazones,
Je pouvais amener trois pudiques personnes,
Dont les yeux n'ont jamais souri
A nul mortel ; dont le cœur n'a senti
De nul amour jamais les moindres étincelles ;
Trois filles, en un mot, de celles
Qu'on appelle, là- bas, des dragons de vertu...
O Déesse, trop tard sommes-nous arrivées !...
Trop tard ! reprend Junon ; trop tard ! Ah ! que dis-tu ? —
Mercure, pour Pluton, les avait enlevées. -
Ces dignes filles chez Pluton !
Comment, et pour quelles frairies,
Pareilles vertus, le dit-on ?
Qu'en veut-il faire ? - Des Furies !
Moi, plus je songe aux propos de Cypris,
Plus je crois que Junon les avait mal compris ;
Ou la Cythéréa, dans un jour de liesse,
Avait par trop vanté son pouvair, sa prouesse :
Non, l'amour des cœurs bien épris,
L'amour pur, l'amour vrai n'exclut point la sagesse.
Mais, pour en venir à Pluton,
Il l'entendait mieux que Junon.
La loi d'amour est un mystère,
Qui règne du ciel à la terre ;
Nul ne saurait s'en affranchir :
Ne rien aimer, c'est tout hair !
Que si vous savez une femme,
Dont, jamais, la plus sainte flamme
Ne pénétra l'âme de fer ;
Une de ces vertus, de qui toute la vie
N'offre qu'un fier dédain, et qu'un sourire amer ;
Oh ! tenez-la bonne vertu d'Enfer,
Que Pluton, autrefois, eût prise pour Furie,
Et que doit, en son temps, réclamer Lucifer !