C'était en ces nobles temps,
Où, par tous pays de France,
On ne rencontrait que gens
Ayant couronne et puissance.
Il advint, l'an ni le jour
Ne vous doivent mettre en peine,
Qu'un certain Duc de Lorraine
Fétoya toute sa Cour.
Pour clore mon préambule,
Regardez ce vestibule,
Tout au niveau d'un jardin :
Là, se donnait le festin.
Or bien, voici qu'une Femme
Croit, au milieu du repas,
Voir apparaître , là-bas,
Une Araignée ; et la Dame,
Que trouble aussitôt la peur,
La chose est bien excusable, --
Sans songer à son Seigneur,
Jette un cri, quitte la table,
Fuit au jardin bel et bon,
Et tombe sur le gazon !
Mais, au moment de sa chute,
Étrange connexité, —
Elle entend, à son côté,
Quelqu'un faire la culbute !....
Et, qui donc était l'objet
De ce deuxième sinistre ?
On l'eût deviné, c'était
Du Duc le premier Ministre :
Tel animal, en effet,
À chuter est fort sujet.
La Dame, sans plus attendre :
Ah ! mon cher Monsieur, combien
J'ai de grâces à vous rendre !
Car, je craignais, j'en conviens,
Que le Duc n'allât me prendre
Pour une femme de rien ;
Et ma fâcheuse imprudence
Sent, au vrai, l'impertinence.
Notre homme de repartir :
Bon ! qui pourrait y tenir !
Tranquillisez-vous, Madame.
Mais, dites-moi, cette infâme
Est donc bien grosse ? - Ah! Monsieur,
Affreuse !... Sur mon honneur,
Onc il n'en fut de pareille.-
Oh ! vous me faites effroi !...
Volait-elle près de moi? -
Voler ! ... Quoi, Monsieur sommeille ,
D'en faire un insecte ailé !
Voler !... C'eût été merveille
Qu'une Araignée eût volé !...
Qu'entends-je ? dit le Ministre ;
Pour aussi peu que cela,
Ce bruit, cette fuite-là !
Le fait vaut qu'on l'enregistre :
Combien je m'étais mépris !
Une Araignée !... A vos cris,
Il m'avait, sur ma parole,
Semblé, tant Madame est folle,
Voir une Chauve-Souris !
Tenir pour saintes manies
Nos propres antipathies,
Et traiter celles d'autrui
De pitoyables folies ;
Autrefois comme aujourd'hui,
Pauvres esprits que nous sommes,
Voilà notre histoire à tous :
C'est à qui d'entre les hommes
Prendra place au banc des fous !