Dans nos champs que l'hiver assiège
Partout la neige,
Plus de grains, plus de vermisseaux ;
Aux buissons le givre étincelle ,
Il vente, il gèle,
Que je plains les petits oiseaux !
C'est le temps où l'homme barbare
Contre eux prépare
Ses reginglettes et ses rets ;
II semble que la froide bise
Pas ne suffise
A faire périr ces pauvrets.
De place en place dans la plaine
Volait à peine
Un d'eux affamé, morfondu,
Tout à coup au seuil d'une grange
Bonheur étrange !
Il a vu dû blé répandu.
« Quel secours, dit-il, Dieu m'envoie! »
Et, plein de joie.
Il s'approche, il voltige autour ;
A s'abattre au seuil il s'apprête,
Puis il s'arrête,
Confiant, craintif tour à tour.
Enfin brusquement il s'envole,
Et se console
En se disant : « C'était trop beau !
Ce grain cache un piège perfide
Où, plus avide,
J'aurais pu trouver mon tombeau. »
Sur la pâture mensongère
A la légère
Se jettent d'autres, affamés.
Sur eux le filet se referme,
Et dans la ferme
Dès le soir même ils sont plumés.
Ainsi, dans ce temps d'industrie,
La fourberie
Nous tend ses lacs de toute part ;
Des badauds la foule au plus vite
S'y précipite,
L'homme prudent reste à l'écart.
Plus à ses yeux, pour le séduire,
Elle fait luire
L'or, appât magique et trompeur,
Plus il se tient en défiance,
Moins il s'avance :
« C'est trop beau, dit-il, et j'ai peur. »