Sur un haut chêne au pied d’une montagne,
S’étaient dès le matin, assemblés mille oiseaux,
Qui voltigeant de rameaux en rameaux
De leurs brillants concerts égayaient la campagne
Ainsi, sans soins, sans embarras,
Chantant leur joye ou leur tendre martyre,
Ils attendaient l’heure de leur repas,
Ou leur appétit, pour mieux dire.
Ils le sentaient venir, lorsque tout à propos
Un sansonnet vint leur apprendre
Qu’à mille pas de l’arbre ils n’avoient qu’à se rendre.
Le grain, leur disait-il, s’y versait à grands flots.
Venez… ne soyez pas si sots,
Leur dit une alouette ; on songe à vous surprendre.
Grain, vous dit-on, d’accord ; mais aussi vrais panneaux
Que l’oiseleur vient de vous tendre :
Et que je sois le dernier des oiseaux
Si… la pauvre alouette est une autre Cassandre,
Qu’on ne croit point, qu’on ne veut point entendre ;
Et nos troyens allaient entraînés par la faim,
Suivent le sansonnet au grain.
Vous le voyez ; dit-il. Le premier il y vole.
On l’a suivi sur sa parole ?
Sur son exemple on se met à manger :
Mais le panneau se ferme ; et voilà dans la geôle
Nos pauvres indiscrets. Quelques-uns d’enrager ;
Les autres encor de gruger.
En enrageant ; cela console.
Je vous ai prédit le danger ;
Vous trompais-je ? Dit l’alouette,
Qui seule avait la clef des champs.
Non, répondit quelqu’une de dedans ;
C’est qu’on croit trop ce qu’on souhaite ;
Et l’on connaît son tort quand il n’en est plus temps.

Livre I, fable 17






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