« Quoi, paresseux, tu dors encore !
Et bientôt le soleil va monter dans les cieux.
Vois comme sur la mer les rayons de l'aurore
Teignent de pourpre et d'or les flots silencieux.
Alerte, du matin déjà pâlit l'étoile,
La brise caressante enfle a demi la voile,
La pêche sera bonne, enfant; ouvre les yeux,
Pousse la barque en mer, le temps est précieux.
— Mon père, oh ! que ta voix m'a tiré d'un beau rêve !
Je veux te le conter, écoute : Je rêvais
Qu'assis près de toi sur là grève,
D'un regard distrait je suivais
Ma ligne qui flottait sur l'onde.
Le liège tout à coup s'enfonce ; un gros poisson,
Qui s'était pris à l'hameçon,
Se débattait, fuyait, plongeait sous l'eau profonde.
Ma ligne se courbait sous l'effort : attentif
A m'assurer ma proie, et respirant à peine,
Lentement, lentement, sous l'eau je la promène,
Je lasse la vigueur de ce poisson rétif
Et sur la rive enfin palpitant je l'amène :
C'était un poisson d'or, un poisson d'or massif!
Pourquoi rire?... peut-être est-ce un heureux présage,
La Fortune a plus d'un visage,
Et si mon rêve un jour peut se réaliser!....
— En mer, mon beau songeur, en mer ; c'est trop jaser.
Les rêves sont menteurs, bien simple est qui s'y fie;
Sur un si fol espoir n'arrange pas ta vie :
Le travail, mon enfant, est le plus sûr trésor;
On peut mourir de faim avec des songes d'or. »

Livre IV, Fable 4, 1856




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