Le plaisir et l'ennui, depuis le premier âge.
Vont parcourant cet univers.
Ce premier vole, et c'est dommage.
Le plaisir, traversant les airs,
Sort d'une ville, et va dans un village :
« Voulez-vous me loger ? dit-il aux habitants.
— Volontiers, notre ami, dirent ces bonnes gens.
— Lors, répond le plaisir, j'abandonne la ville.
Je connais votre cœur, vous connaîtrez le mien ;
Vous saurez qui je suis, vous le méritez bien.
Ce village me plaît, il sera mon asile :
J'irai voir tantôt l'un, tantôt l'autre ; aujourd'hui
Je loge chez Colin. » C'était fête chez lui,
Car sa jeune moitié venait ce jour-là même
De lui donner un beau garçon,
Et le plaisir fut du baptême.
Mais l'autre voyageur passant par le canton,
L'ennui par hasard vint, et leur dit :« Eh ! de grâce.
Pour cette nuit logez-moi seulement. »
On répondit qu'on n'avait point de place ;
Le voisin en dit tout autant ;
Plus loin de même. Alors l'ennui très sage
Prit le parti de sortir du village ;
Mais il n'y perdit pas, car il eut le bonheur,
En affectant un air honnête.
De se glisser chez le seigneur,
Qui ce jour-là donnait une brillante fête.