Le Plaisir et l'Ennui

N. Drobecq (18è siècle)


Le plaisir et l'ennui, depuis le premier âge.
Vont parcourant cet univers.
Ce premier vole, et c'est dommage.
Le plaisir, traversant les airs,
Sort d'une ville, et va dans un village :
« Voulez-vous me loger ? dit-il aux habitants.
— Volontiers, notre ami, dirent ces bonnes gens.
— Lors, répond le plaisir, j'abandonne la ville.
Je connais votre cœur, vous connaîtrez le mien ;
Vous saurez qui je suis, vous le méritez bien.
Ce village me plaît, il sera mon asile :
J'irai voir tantôt l'un, tantôt l'autre ; aujourd'hui
Je loge chez Colin. » C'était fête chez lui,
Car sa jeune moitié venait ce jour-là même
De lui donner un beau garçon,
Et le plaisir fut du baptême.
Mais l'autre voyageur passant par le canton,
L'ennui par hasard vint, et leur dit :« Eh ! de grâce.
Pour cette nuit logez-moi seulement. »
On répondit qu'on n'avait point de place ;
Le voisin en dit tout autant ;
Plus loin de même. Alors l'ennui très sage
Prit le parti de sortir du village ;
Mais il n'y perdit pas, car il eut le bonheur,
En affectant un air honnête.
De se glisser chez le seigneur,
Qui ce jour-là donnait une brillante fête.





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