Lisette et son Linot

N. Drobecq (18è siècle)


Lisette, gentille Bergère,
Desirait avoir un oiseau.
Au sein d'un paisible hameau
Elle pouvait de satisfaire ;
Oui : mais tous les oiseaux ne devaient pas lui plaire.
Au serin même aux ailes d'or,
Lisette préférait encor
Un linot joli, doux et tendre ;
Un linot ferait un trésor :
Où le trouver ? comment le prendre ?
La petite friponne imagine un réseau
Si solide et si fin, fait de telle manière,
Qu'il devait arrêter le plus subtil oiseau.
Le réseau fabriqué, la maligne Bergère
L'étend parmi les fleurs au bord d'un clair ruisseau,
Et se promet une volière.
En effet nombre de moineaux
Y sont pris. Vint enfin le plus beau des linots.
A peine esclave, il cherche à sortir d'esclavage.
Lisette accourt, le prend, le baise… Ah ! quel dommage
S'il se fût envolé ! qu'il est doux ! qu'il est beau !…
Lisette en eût dit davantage,
Mais de ses jeunes mains le rusé se dégage,
Et s'envole sur un berceau.
La Belle en pleurs des yeux suit en vain le volage ;
Il rit de ce piège nouveau.
Caché sous un épais feuillage,
Il observe : et pensant au perfide réseau,
Il dit : Lisette est fine, et Lisette est peu sage :
Quand on veut avoir un oiseau,
On doit se munir d'une cage.

Belles, ne riez point, Lisette est votre image.
Vous avez des attraits, des charmes enchanteurs ;
Mais, hélas ! ce brillant partage
D'un bien trop désiré n'est pas le plus sur gage ;
Il peut vous coûter, bien des pleurs !
Ces attraits si vantés, si chers, si séducteurs,
Ce fugitif éclat des grâces du bel-âge,
Pourrait-il captiver un cœur ?
Il faut, il faut bien davantage !…
Les grâces de l'esprit, la modeste douceur.
Et l'heureuse innocence, et l'aimable candeur,
Ah ! voilà ce qui nous engage.
La raison, la vertu, l'honneur,
Sont les dignes objets d'un éternel hommage ;
Vous êtes belle, soyez sage,
Et je vous réponds du bonheur.





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