La Cigale et la Fourmi Nivet Desbrières (18ème siècle)

Pendant les plus belles saisons,
La Cigale mal avisée,
Ne s’était toujours amusée
Qu’à des courses et des chansons.
L’Hiver nous ramenant la bise,
La neige, ainsi que les glaçons,
Elle reconnut sa sottise ;
Et faute de provision,
Mourante d’inanition,
Elle alla crier misère
Chez la Fourmi sa commère,
Qui ne demeurait pas bien loin ;
Et l’apercevant dans un coin ;
Hélas ! lui dit-elle, ma chère,
Je suis dans le plus grand besoin ;
Si vous nagez dans l’abondance,
De grâce, ayez la complaisance
De me prêter un peu de grain ;
Je fais serment de vous le rendre
Avec usure, à l’Août prochain,
La Fourmi n’a pas le cœur tendre,
Et ne peut voir les pauvres gens,
Sans devenir impérieuse.
A quoi passiez-vous votre temps
Quand je m’occuaois dans les champs ?
Demanda-t-elle à l’Emprunteuse ;
Nuit et jour, répond l’autre, alerte et fort joyeuse,
Je ne faisais alors que courir et chanter,
Sans appréhender la famine.
Que courir et chanter ! repartit la voisine,
Et vous osez vous en vanter ?
Allez, importune vermine,
Allez vous-en d’ici, je n’ai rien à prêter.

Combien de gens, dans l’infirme vieillesse
Ont essuyé la même dureté,
Pour avair passé leur jeunesse
Dans une lâche oisiveté ?
Il faut songer au nécessaire,
Gagner des fonds, se bien vêtir ;
Ensuite, on peut se divertir,
Si l’on n’a rien de mieux à faire.

Fables nouvelles, fable 1




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