Le Lièvre au gîte Pierre Chevallier (1794 - 1892)

D'un naturel non moins indolent que poltron,
Un lièvre, dès l'aurore, avait pris domicile
Sur un coteau, près d'une ville,
Dans un gros et sombre buisson.
Je puis donc, se dit-il, maintenant de mon gîte
Voir de loin les chasseurs venir de mon côté,
Et, dans ce cas, je peux à l'avance, au plus vite
Déloger et m'enfuir en lieu de sûreté.
A peine venait-il d'achever sa pensée
Qu'il en voit paraître un à plus de cinq cents pas,
Qui vers lui, malgré la rosée,
Marchait à travers champs, le fusil sur le bras.
Dois-je à l'instant partir, ou bien faut-il attendre ?
Pense-t-il ; si je pars, quel chemin faut-il prendre ?
Dois-je à gauche me diriger,
Ou m'enfuir plutôt sur la droite ?
Ce détour n'est pas sans danger,
Cette issue est par trop étroite.
Tandis que sur ces questions
Il fait maintes réflexions,
Allant de ça, de là, notre Nemrod s'avance.
Du buisson il n'est plus qu'à vingt pas de distance.
Le lièvre tout-à-coup ahuri par la peur
Détale justement en face
Du chasseur, qui, fort bon tireur,
Raide mort l'étend sur la place.

Ne pas savoir se décider à temps
Est le défaut des apathiques gens.
Un renard n'aurait pas, en pareille occurrence,
De mon lièvre commis la fatale imprudence.

Livre III, fable 9




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