Dos Chats faisaient sabbat dans un appartement,
Mais sabbat infernal ; rien n'y manquait, vraiment.
Nos drôles s'escrimaient de la gueule et des pattes,
Et, pour gagner le cœur de mesdames les chattes,
Par leurs miaulements témoignaient leurs transports.
C'était un tintamarre à réveiller les morts.
Aussi, dans le logis, le Maître ni sa femme ;
Ne purent fermer l'oeil, on doit bien le penser.
« Au diable les Matous et leur vacarme infâme !
Dit enfin le Mari ; s'ils ne veulent cesser,
A grands coups de bâton je les ferai danser. »
Le bruit continuant, vers la chambre voisine,
Sur la pointe des pieds, notre Homme s'achemine.
Il ouvre, il entre, et le voilà
Frappant par-ci, frappant par-là,
Et renversant tout à son aise
Ln pendule, une armoire, une table, une chaise,
Et brisant mainte glace et maint vase de prix.
Pourtant, sous le bâton pas un Chat ne fut pris.
Pourquoi me direz-vous. - La Question est bonne !
Je croyais que le fait ne surprendrait personne :
Comme il n'est tel qu'un Chat pour y voir clair la nuit,
Le Maître avait eu beau s'introduire sans bruit,
Quand il ouvrit la porte, ils avaient sans trompette
Pris doucement la poudre d'escampette.
Qui fut penaud ? le Maître, on le devine assez ;
Il en paya les pots cassés.
Thémis souvent ressemble à l'homme de ma fable :
A-t-on commis un crime quelque part,
Vers le lieu du délit aussitôt elle part.
Tandis qu'adroitement se sauve le coupable,
Dans l'ombre elle s'en va, tout juste saisissant
L'innocent.