La Poule et les Cailloux Pierre Lachambeaudie (1806 - 1872)

C'était vers le printemps : Cocotte, la poulette,
Du matin jusqu'au soir caquetait, caquetait,
Et tous les jours pondait.
Vainement sur ses œufs se fiait la pauvrette ;
Isabeau, la fermière, au marché les portait :
Aussi Cocotte allait, criait, se lamentait.
Femmes qui me lisez, vous comprendrez sa peine.
Pour lui jouer un malin tour.
Un enfant sur le sable, un jour,
De cailloux blancs et ronds ramasse une douzaine,
Et les pose furtivement
Dans le nid de la désolée.
Il réussit parfaitement.
Voyant ces œufs menteurs, la poule, consolée,
Couve, couve, et s'écrie, en son ravissement :
« L'amour n'est pas une chimère !
Enfin, enfin je serai mère,
Mère de beaux enfants qui feront mon bonheur !... »
Trop tôt s'évanouit cette flatteuse erreur,
Trop tôt l'espoir fit place à la douleur amère.

De ce récit ne riez pas, lecteur :
Notre société de pareils faits abonde.
Souvent bien des penseurs, aussi sages que vous,
Ont cru dans leur cerveau faire germer un monde,
Et n'ont couvé que des cailloux...

Livre I, Fable 4




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