L'Agneau et le Ver luisant Prosper Wittersheim (1779 - 1838)

Écarté du troupeau,
Un jeune et tendre agneau
Erre dans la campagne,
Et la crainte du loup
En tous lieux l'accompagne.
Par la nuit tout à coup
Surpris, il s'inquiète,
Il cherche une retraite ;

Le moindre bruit, un vent,
Le saisit d'épouvante,
Il marche haletant,
Court, de sa voix tremblante
Appelle sa mère, hélas !
Elle ne l'entend pas.

Un rayon d'espérance
Soudain luit dans son cœur,
Il voit, ô Providence !
Un guide protecteur,
Au loin une lumière
Vient de frapper ses yeux :
« C'est, dit-il, la chaumière
Du berger de ces lieux. »

Déjà depuis une heure
Ce feu trompe sa foi ;
Plus il court, moins il voit
Cette heureuse demeure
Où tendent tous ses vœux,
Et qui semble sans cesse,
Augmentant sa détresse,
S'enfuir devant ses yeux !

Pauvre agneau ! son courage
N'est point encor lassé;
Mais il tombe, au jeune âge,
De fatigue épuisé.
Ses yeux vers la lumière
Se tournent en mourant !
Las ! c'est en espérant
Qu'il finit sa carrière !...

C'était un ver luisant
Qui trompait sa constance...
C'est ainsi qu'en fuyant
Nous trompe l'espérance.

Livre I, fable 5




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