Sur le penchant d'une verte colline,
D'heureux agneaux paissaient tranquillement ;
Une onde pure, une herbe toujours fine,
A leurs désirs suffisaient amplement ;
Quand tout à coup, pour une bagatelle,
Un brin d'herbe peut-être, ou semblable valeur,
On vit éclore une grave querelle
Et bien loin d'eux s'enfuir la paix et le bonheur.
Déjà, la discorde ennemie
Agitait son flambeau, distillait son venin ;
Et la vanité sotte, et l'orgueilleuse envie
Secondaient son affreux dessein.
Lorsqu'un vieux coq, le nestor du village,
Qui, plus prudent, apercevait l'orage,
Leur dit : « mes bons amis, hélas ! y pensez-vous ?
Vous ne voyez donc pas les loups
Rôdant autour de ce bocage ?
Il n'attendent que les instants
Où, par votre seule imprudence,
Ils pourront avec assurance
Vous croquer tous à belles-dents.
Eloignez, croyez-moi, tout sentiment de haine ;
Que les discords de vos cœurs soient bannis :
Unis vous résistiez à peine,
Que deviendrez-vous désunis ? »