« Je ne vois plus la poule grise ;
Oh ! va, je n'en veux pas beaucoup
Au renard qui nous l'aura prise :
Elle ne pondait plus du tout...
Pourtant elle devait par-là même être grasse,
Et bien grasse ; et, ma foi, si l'on eût du glouton
Flairé ce mauvais tour, aussi bien pouvait-on
Faire le régal à sa place. »
Ainsi j'écoutais Anne à part soi raisonner,
A sa volaille un jour donnant à déjeuner.
Après ce soliloque, un demi-mois s'écoule,
Et (comme, en ces bas lieux, de tous événements
C'est le destin communément),
L'on ne pensait plus à la poule,
Quand un lundi
(Miracle !), vers midi,
Notre absente aux yeux d'Anne, étonnée et ravie,
De vingt charmants poussins se présente suivie !
<< Mère, accours donc ! Oh ! viens voir qui voilà !
Crie en sautant la jeune fille,
La belle petite famille
Qui nous arrive là ! ….. »
De l'énigme le mot aisément se devine :
Se voyant de son nid tour-à-tour enlèver
Ses plus beaux œufs, la poule, fine,
Avait pris le parti d'aller à la sourdine
Sous un buisson pondre et couver.
Detout point, commeonjuge, elle y trouva son compte.
Lecteur, les œufs de notre petit conte
Ce sont les courts moments que Dieu nous départit :
On les dissipe aux lieux où s'agite la foule ;
A l'exemple de notre poule,
Prudemment cachons-nous pour les mettre à profit.