Jeanne a un carason garni de paille fine, qu'elle époussète soir et matin avec un mouchoir de batiste.
Le bouchon de ce carason est comme une étaile dans les six- pointes de laquelle elle place du nard, du jasmin et des pavots roses.
De petits galons d'or ornent ses anses, d'où pendent gracieuses de légères houppes d'argent.
Les jours de fête, pour rehausser sa parure, elle lui met des nœuds de rubans bleus, roses et blancs.
Elle ne sait où le placer ; elle en rêve, elle lui rit, elle lui parle, et elle en est plus vaine que Salomon de l'arche.
Un jour qu'elle était allée voir une de ses amies, je restai de bonne amitié pour garder la maison.
Je voulus savoir quel mystère recélait le favori. J'approche, je le débouche, je le hausse, je le retourne et j'y trouve... rien !
Je le rebouchai et le remis comme il était, en réfléchissant ensuite au caprice de la dame.
Je la comparai au monde qui encense, en leur rendant hommage, les hommes qu'il voit entourés d'une vaine pompe extérieure.
Mais si vous examinez leur âme de près, vous la trouvez creuse et vide comme le carason de Jeanne.