Une laie était près un jour de mettre bas :
Un loup le sut ; et de cette nouvelle
Voulant tirer le parti qu'en tel cas
Peut désirer une bête cruelle,
Au logis de la laie il court avec ardeur.
Voisine, je vous aime autant que peut un frère
Aimer et chérir une sœur.
Quelquefois je vous vois courir par la prairie ;
Et sans ces maudits chiens autour de vous rodants,
Toujours grondants, toujours mordants,
Depuis longtemps nous ferions compagnie :
Vous connaîtriez mon bon cœur ;
Pour obliger combien j'ai de chaleur :
Autant que bon voisin je suis ami sincère.
Sous peu de jours vous allez être mère,
M'a-t-on dit, je connais les peines, les travaux
Qui de l'enfantement accompagnent les maux.
De la maternité la commère Lucete
Assez souvent subit la loi.
Eh bien, pendant la couche et le temps qu'elle allaite
Elle ne veut recevoir que de moi
Et soins et nourriture ;
Même avec elle à la pâture
Je mène et garde ses petits,
Tout cela, foi de loup, gratis.
Je vous viens, ma voisine, offrir mêmes services,
De votre serviteur disposez sans façon.
J'accepte avec plaisir, voisin, vos bons offices ;
Voici de la maison
Le maître accompagné de tonnerre et tempête :
Je vais, en attendant, le prier qu'il vous prête
En leur cabane une place auprès d'eux.
Grand merci, dit le loup, ils sont par trop hargneux,
De suite
Il disparaît,
Et par une rapide fuite
Regagne la forêt.