Le conseil d’état du roi lion

Rouget de Lisle (1760 - 1836)


Las des innombrables sottises
Qui, chez lui comme ailleurs, de son conseil d’État
Chaque jour débordaient, sans délais ni remises
Sire Lion voulut agir en potentat
Un beau matin, dans l’auguste sénat,
Jeunes barbes et barbes grises,
Tous furent à la fois exclus et remplacés.
Deux espèces de gens sur leurs bancs arrivèrent ;
Des éléphants d’abord, gens instruits et sensés ;
Puis de jeunes baudets au-dessous d’eux siégèrent.
Ce dernier choix devint la nouvelle du jour ;
Dieu sait comme on en rit à la ville, à la cour ;
Le roi le sut, rit à son tour,
Et ne se fâcha point « De ma haute prudence,
« Voici, dit-il, un trait qui peut m’enorgueillir.
Tous ces pauvres ânons de si piètre espérances.
Grâce aux rapports heureux que je viens d’établir,
Vous verrez comme vont s’accroître, s’assouplir,
Et leurs instincts bornés et leurs grossiers organes ! »

Beau calcul, que l’effet se plut à démentir :
Les Ânes on ne vît éléphants devenir,
Mais bien les éléphants des ânes.
Or, c’est ce qui toujours arrive en pareil cas,
Nature ainsi le veut, impérieuse :
La sottise est contagieuse ;
Mais l’esprit ne se gagne pas.



Fable imitée du russe de Klennitzer, d’après l’anglais de M. Bowring.

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