Certain dervis voyageait en Asie,
Et voyageait avec peu d’attirail.
Sur sa route il découvre un superbe sérail
Qu’il prend pour une hôtellerie.
Il s’y glisse, et déjà le modeste reclus,
Sur un lapis superbe étendant sa besace,
Nonchalamment, à son aise, s’y place.
On murmure, on s’écrie, on veut lui courir sus.
Il paraît sourd à la menace.
Le prince vient lui-même, attiré par le bruit,
Et du dervis tranquille admire l’attitude.
« Quel sujet, lui dit-il, en ces lieux vous conduit ? »
L’autre répond : « Ma lassitude.
Le caravansérail m’offre fort à propos
Les moyens de goûter un sommeil nécessaire.
Bonsoir. » Le roi sourit à ce naïf propos.
« Vous vous trompez, révérend Père,
Reprit-il ; ce séjour n’est point un hôpital.
Voyez cette magnificence :
La trouve-t-on dans un réduit banal ?
— Eh ! de grâce, repart notre humble Révérence,
Répondez-moi : D’un si riche séjour
Quels ont été les premiers maîtres ?
— Il fut bâti par mes ancêtres,
Qui l’ont habite tour à tour.
— Après eux ? — Il fut à mon père.
— Et ce père vous l’a transmis ?
— Sans doute, et je prétends le transmettre à mon fils.
— Et lui, sans doute aux siens ? — C’est comme je l’espère,
Et que son petit-fils, au gré de mes souhaits,
A ses descendants satisfaits…
— J’entends, dit le dervis, vos projets sont fort sages.
Mais, Seigneur, un séjour condamné pour jamais
A loger tous ces personnages
Est une hôtellerie, et non point un palais. »





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