Le Grillon et la Bergère Simon Pagès (17ème siècle)

En prison dans les mains d'une jeune bergère,
Un grillon s'écriait, en s'éloignant des champs
Qu'il habitait depuis qu'il voyait la lumière :
Hélas! je ne vis qu'un printemps !
Voulez-vous abréger ma vie ?
Ayez pitié d'un malheureux grillon !
Laissez-le vivre en sa patrie !
Son monde est un petit sillon.
Reine de l'univers, que votre cœur sensible
Pour moi ne soit pas inflexible!
Quand vous viendrez dans mon vallon,
Je vous chanterai ma chanson ;
Cédez ! cédez à ma prière !
—Tu vivras, lui dit la bergère;
Tu seras, comme aux champs, nourri de vert gazon :
(Que son berger Zircis est aimé la prison !
Que de larcins il est fait à la belle !)
Tu chanteras dans ma maison.
— Chanter! lui repart le grillon;
Peut-on voir reverdir la moisson?
Philis ne répond point: c'est injure pour elles.
D'un pas léger elle suit son chemin.
Grillon tourne et retourne en sa charmante main.
Pour lui c'est une main cruelle:
Il cédé enfin a son petit démon ;
Mord par-ci, mord par-là, la fragile prison.
Poussant un cri, la timide bergère
Ouvre ses mains; grillon fait un bond sur la terre
Le drôle, par ce tour, rejoint sa liberté.
Zircis n'a jamais eu pareille cruauté.
La rigueur bien souvent fait plus que la prière.

Livre II, Fable 23




Commentaires