En prison dans les mains d'une jeune bergère,
Un grillon s'écriait, en s'éloignant des champs
Qu'il habitait depuis qu'il voyait la lumière :
Hélas ! je ne vis qu'un printemps !
Voulez-vous abréger ma vie ?
Ayez pitié d'un malheureux grillon !
Laissez-le vivre en sa patrie !
Son monde est un petit sillon.
Reine de l'univers, que votre cœur sensible
Pour moi ne soit pas inflexible !
Quand vous viendrez dans mon vallon,
Je vous chanterai ma chanson ;
Cédez ! cédez à ma prière !
—Tu vivras, lui dit la bergère ;
Tu seras, comme aux champs, nourri de vert gazon :
(Que son berger Zircis est aimé la prison !
Que de larcins il est fait à la belle !)
Tu chanteras dans ma maison.
— Chanter ! lui repart le grillon ;
Peut-on voir reverdir la moisson ?
Philis ne répond point: c'est injure pour elles.
D'un pas léger elle suit son chemin.
Grillon tourne et retourne en sa charmante main.
Pour lui c'est une main cruelle:
Il cédé enfin a son petit démon ;
Mord par-ci, mord par-là, la fragile prison.
Poussant un cri, la timide bergère
Ouvre ses mains ; grillon fait un bond sur la terre
Le drôle, par ce tour, rejoint sa liberté.
Zircis n'a jamais eu pareille cruauté.
La rigueur bien souvent fait plus que la prière.