Dans les herbages verdoyants
D'une ferme de Normandie,
Une maman Poulette, avec des soins touchants,
De petits Canards trébuchants
Menait une troupe étourdie.
Un étang était près : voilà mon bataillon
Qui s'y plonge, et tous, à la file,
De leur petit pied jaune agitant l'eau tranquille,
Y tracent leur léger sillon.
La pauvre Poule au bord était restée ;
Elle courait, inquiète, agitée,
Avec des gloussements plaintifs,
Croyant ramener sous son aile
L'essaim babillard et rebelle
De ses élèves fugitifs.
Un jeune Enfant, riant de sa détresse,
(De quoi ne rit pas la jeunesse !)
Poussait au large les mutins.
Sa mère s'approchant, lui dit avec tendresse :
« Mon fils, tu grandiras ; le hasard des destins
Ou les devoirs d'une carrière,
T'arrachant aux bras de ta mère,
T'entraîneront vers des pays lointains ;
Moi seule, enchaînée au rivage,
Je suivrai des yeux le sillage
Qu'aux flots pleins de récifs ta barque aura laissé,
Tremblante, hélas ! au bruit de la tempête,
Et priant Dieu d'éloigner de ta tète
L'éclair qui t'aura menacé !
Pour vous, trop chers ingrats, plus d'une larme coule
Quand vous quittez le toit où nous restons,
Et chaque mère est- une poule
Qui voit partir ses canetons. »