Un vieux Garcon, lassé de courir l'aventure,
En prenant femme,, un beau matin,
Fit ce que l'on appelle — une fin.
Il avait choisi sa future
Assez laide, et quelque peu mûre,
Espérant éviter tout fâcheux accident
A son front chauve et grisonnant.
Il fut heureux comme tant d'autres ;
Heureux. entendons-nous ! On ne se battit pas,
Mais l'amour ne vint point, hélas !
Au chevet des époux dire ses patenôtres.
Sans grand plaisir comme sans grand souci,
Les choses quelque temps cheminèrent ainsi.
Or, il advint que, dans le voisinage,
Un couple jeune et beau, de plus fort amoureux,
Vint s'établir, après un récent mariage.
La dame les voyait, sous le discret feuillage
D'un grand jardin mystérieux)
Ivres de solitude, oublieux de la terre,,
S'égarer épanchant leur âme tout entière
Dans des regards silencieux.
Jamais, dans son froid hyménée,
Rien de pareil n'avait ému son cœur ;
Elle resta rêveuse et comme illuminée
Par ce rêve fascinateur.
Puis tout à coup elle devint coquette,
À la mode nouvelle arrangea ses cheveux,
Hanta les magasins fameux
Et prit souci de sa toilette ;
Bref, à force de le vouloir,
Elle devint presque jolLe.
Son mari, qui finit par s'en apercevoir,
En ricanant sur elle fit pleuvoir
Mainte épigramme peu polie.
Souvent les plus malins, quand ils étaient garçons,
Sont les plus maladroits dès qu'ils sont en ménage
Le fait est singulier, mais nous le connaissons.
Bref, un jour que, suivant l'usage,
Revenant de se promener,
Il rentrait au logis à l'heure du dîner,
Il y trouva, causant avec sa femme.,
Un jeune homme charmant, un cousin, que Madame
Vint lui présenter tout d'abord ;
Le nouveau venu lui plut fort,,
Si fort qu'il l'invita, là, sans cérémonie,
A dîner en leur compagnie.
L'autre se fit prier, se laissa faire enfin.
Le mari, dont la cave était fort bien garnie,
Alla chercher son meilleur vin ;
Tant et si bien qu'il ne put se défendre
D'en faire, en peu de temps, son ami le plus tendre,
Et que, suivant d'inévitables lois,
Il fut le plus heureux des trois.
Ô bonnes gens qui vivez en ménage)
Méditez bien ce sujet délicat :
Il ne faut pas,, dit un ancien adage,
Traîner fétu sous le nez d'un vieux chat.