Le Voyageur Stop (1825 - 1899)

Un jeune et beau garçon s'était mis en voyage
À la recherche du bonheur ;
Mais bientôt, à bout de courage,
Accablé de fatigue et battu par l'orage,
Sur le bord du chemin l'imprudent voyageur
S'était assis. Le Dieu qu'on honore à Cythère
Vint à passer : « Viens, dit-il, avec moi ;
Le bonheur est, sur cette terre,
A ceux qui vivent sous ma loi. »
L'autre obéit. L'Amour, vous le savez, Madame,
Est un de nos jolis farceurs ;
Il en fit, suivant son programme,
Voir à son compagnon de toutes les couleurs.
Celui-ci pratiquait, en toute conscience,
Le sentiment et tout ce qui s'ensuit ;
Mais il restait, dans cette expérience,
Triste comme un bonnet de nuit.
« — Diable ! lui dit l'Amour, mais ton cas est fort grave,
Et je ne vois pas trop, mon brave,
Ce qui pourrait te rendre heureux ;
Si ! Je connais encore un moyens, tu veux ;
Mais c'est un remède héroïque :
Vois-tu, là-bas, ce temple imposant et classique ?
C'est celui de l'Hymen ; là, pour qui n'a pas peur,
Est un dernier espoir d'atteindre le bonheur ;
Mais combien de serpents se cachent sous les roses !
C'est le cas de prendre pour toi
Ce vers plein de sagesse, — et qui n'est pas de moi :
Devine, si tu peux, et choisis, si tu l'oses ! »
Notre jeune homme était un garçon résolu ;
Il eût été trouver Pluton, s'il l'eût fallu :
« J'y vais, dit-il ; mais, en pareille affaire,
Plus que jamais un guide est nécessaire ;
Entrons ensemble ! — Oh ! répondit le Dieu,
Que nenni ! J'y ferais une mine fort sotte ;
Pour pénétrer dans ce saint lieu
Il me faudrait au moins. une culotte !
Va, mon compère, aie du flair, ouvre l'œil,
Et si d'un mauvais choix tu sais tourner l'écueil,
Si tu prends une femme à tes goûts assortie,
Eh bien. je t'attendrai peut-être à la sortie. »

Fable 31




Commentaires