La Guêpe, le Cousin et l'Abeille Théodore Lorin (19è siècle)

« Nous avons l'un et l'autre un bien triste destin.
Dit un jour la guêpe au cousin.
Tout le monde nous hait : la sensible Julie*,
L'aimable, la douce Marie,
Qu'on voit incessamment s'attendrir sur le sort
D'un moucheron qu'on sacrifie,
Toutes deux à grands cris demandent notre mort.
Par une inconséquence à nulle autre pareille,
On aime, on soigne cette abeille,
Qui, comme nous, a cependant
Un terrible aiguillon. » — « Le cas est différent,
Interrompit l'abeille : il est vrai, la nature
A daigné me donner un dard, dont la piqûre
Me venge à l'instant du méchant
Qui tente de me faire injure ;
Mais je m'en sers uniquement
Pour me défendre ; et vous, dans votre noir délire,
Insectes malfaisants, vous ne songez qu'à nuire.
Puis de mon miel le nectar précieux
A l'homme fournissant un mets délicieux,
Je dois compter sur sa reconnaissance.
Or, de quel droit, répondez sans détour,
Vous qui ne lui montrez que haine et malveillance,
Oseriez-vous prétendre à son amour ? »

Livre IX, Fable 4


Madame de Pougens et son intime amie, feu madame Maria Luttwiche. toutes deux bonnes, sensibles et ne pouvant permettre qu'on tourmentât les animaux, avaient une aversion invincible, la première pour les guêpes, la seconde pour les cousins.

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