Dans un jardin où par l'effort de fart
La nature était embellie,
Une jeune taupe à l'écart
Avec grand soin cachait sa vie.
Jamais le jour à ses yeux délicats
N'avait montré du ciel la parure éclatante ;
Mais ignorant ce qu'elle n'avait pas,
Tranquille, et pourtant agissante,
Elle vivait heureuse, ou tout au moins contente,
Exempte de tout embarras.
Or il advint qu'une sienne compagne,
Qui par hasard avait erré dans la campagne,
Lui peignant la lumière et ses brillants effets,
Vint troubler cette douce paix.
Quoi ! toujours au milieu de ténèbres palpables
Il lui faudra végéter et languir !…
Ces lieux qu'à ses yeux raisonnables
Embellissait quelquefois le plaisir,
Lui deviennent insupportables :
Décidément elle veut en sortir.
Avec une force inouïe
Elle perce une galerie,
Et le succès couronnant ses efforts,
Elle va s'élancer dehors :
Déjà l'éclat d'une vive lumière
Éblouit ses regards ; mais en sortant de terre,
Dans un piège elle sent tout son corps arrêté.
La pauvrette bientôt cruellement expie
Sa folle curiosité,
Et le malheur, disons le tort, d'être sortie
De sa paisible obscurité.