Les deux Cailles Adolphe Durand (1784 - 1878)

L'occasion est un oiseau de passage ; si vous l'avez manqué une fois, ne l'attendez pas au retour.

Dans la saison où la nature défaillante annonce aux oiseaux de passage le besoin de chercher une retraite contre les frimas ; deux cailles, l'une jeune et étourdie, l'autre vieille et d'une prudence de dix ans d'expérience, arrivèrent au bord de la mer. Les flots étaient calmes ; les vents enchaînés ; seulement un léger souffle de tramontane semblait favoriser leur voyage. « Je pars, dit la mère-caille à la jeune ; le temps est beau et j'en profile sans plus attendre. Fou qui compte sur la mer et sur la saison. »
— « Quant à moi, rien ne me presse, dit la jeune ; j'ai ici de quoi vivre à gogo ; les frimas sont encore éloignés ; la mer sera calme dans un autre temps, aussi bien que dans celui-ci. Adieu, bon voyage. Puisque vous êtes tant impatiente, partez la première. »
Elle le fit, et s'en trouva bien. Quelque temps après son départ, le manque de vivres, les pluies, le froid, tout vint dire à la jeune caille qu'il n'y avait plus de temps à perdre. Elle se disposa à partir ; mais un vent furieux soulevant les flots, elle fut obligée de rester, si bien que la faim et le froid la firent périr misérablement.

Livre I, Fable 20




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