D’une blanche génisse, honneur de son troupeau,
On fit choix pour un sacrifice.
Le dieu que par l’offrande on veut rendre propice,
N’avait jamais goûté d’un si friand morceau.
Le front orné de saintes bandelettes,
Elle brillait des plus riches couleurs.
La tête couverte de fleurs,
Elle marche au son des trompettes ;
Grande musique à plusieurs chœurs.
Que de cérémonie ! Eh ! Que puis-je connaître,
Dit la génisse, à tout ceci ?
Serais-je donc déesse ? Et pourquoi non ? Peut-être.
Aux respects qu’on me fait paraître,
Il faut bien qu’on le pense : eh bien, pensons-le aussi.
Elle entre au temple, en raisonnant ainsi.
Nouveaux honneurs ; à l’autel on la mène ;
Le feu sacré s’allume ; on fait fumer l’encens.
De sa divinité la voilà plus certaine,
N’en doutons plus, dit-elle ; je me sens ;
Ils m’adorent ces bonnes gens.
Par le Styx je payerai leur peine.
Certaine mouche alors, fort incivilement,
Bourdonne autour de la génisse,
Tais-toi ; ne vois-tu pas que ton bourdonnement,
Dit la nouvelle Io, trouble le sacrifice ?
À mon apothéose est-ce à toi de souffler ?
Pardon, je ne veux rien troubler
Dit la mouche ; j’attends seulement qu’on t’immole,
Pour te savourer à loisir :
Le mets est bon sur ma parole ;
Ces messieurs savent bien choisir.
Seule tu vaux un hécatombe…
La mouche parle encor, que la génisse tombe.
Le fer sacré termine ses erreurs ;
De son sang la terre est couverte.
Ainsi les insensés s’applaudissent d’honneurs
Qui les mènent droit à leur perte.

Livre IV, fable 20






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