Le lion et le tigre ayant eu longue guerre,
Le lion enfin fut vainqueur.
Devant lui se taisait la terre ;
Et le monde animal reconnut son seigneur.
De chaque espèce aussitôt on députe,
Pour aller rendre hommage au roi.
Ainsi qu’un autre Ulysse après quelque dispute,
De harangueur le renard eut l’emploi.
Il loua donc sa majesté lionne ;
Lui dit que son front seul méritait la couronne ;
Que semblable à Jupin, qui sur son trône assis,
Ébranle tout le ciel quand il meut ses sourcils,
Du mouvement de sa crinière,
Lui lion, il faisait trembler la terre entière ;
Puis, du petit au grand, vient du grand au petit ;
Lui dit qu’il n’a de loi que son seul appétit ;
Que pour son souverain chaque espèce l’avoue ;
Qu’ils sont ses fidèles vassaux ;
Et qu’il peut se jouer des autres animaux,
Comme du rat le chat se joue.
Le trait déplut au rat qui même en fit la moue.
Sire lion trouvant que renard disait d’or,
Lui fit expédier une bonne ordonnance
Payable à certaine échéance,
Par le dragon, garde de son trésor.
Le singe, comme secrétaire,
En bonne forme mit l’affaire.
Il remet au renard le royal parchemin,
Signé lion, et plus bas, fagotin.
Le renard désormais comptant sur sa fortune,
Croit qu’il achètera les poulets au marché ;
Mais l’argent n’était pas touché ;
D’ailleurs le rat n’était pas sans rancune.
Le trait de l’oraison lui tenait fort au cœur ;
Il brûlait d’en tirer vengeance.
Il se glissa chez l’orateur,
Et lui rongea son ordonnance.
Ce que lion flatté voulait faire de bien ;
Rat offensé le réduisit à rien.