L'Écureuil et le Renard Antoine Le Bailly (1756 - 1832)

Compère le Renard, en rodant par la plaine,
Vit un jeune Écureuil qui prenait ses ébats,
Sautant de branche en branche à la cime d'un chêne.
C'était l'occasion de faire un bon repas ;
Mais atteindre là-haut, Renard ne le peut pas ;
De l'aventure de la treille
Il lui souvient toujours. Or il dit à part soi :
Cet animal est fin, éveillé comme moi,
Et notre queue est à peu près pareille ;
Mettons donc à profit cet air de parenté,
Pour l'attirer de mon côté.
Ah, cher cousin ! s'écrie alors le traître,
Depuis tantôt mille ans j'aspire à vous connaitre ;
On m'a dit tant de bien de vous !
En effet, où trouver un parent plus aimable ?
O combien il me serait doux
De vous voir partager les plaisirs de ma table !
J'ai des fruits de toute saison,
Force amandes surtout, et des noix à foison.
-Grand merci ! lui répondit l'autre.
Je suis flatté d'un si galant accueil ;
Mais qui donc êtes-vous, et quel nom est le vôtre ?
--Mon nom ? je m'appelle Écureuil,
Et de plus Écureuil fort à votre service.
Feu votre père (hélas ! que le ciel le bénisse !)
Était propre frère du mien :
Jugez de notre étroit lignage.
Par le plus doux baiser serrons donc le lien
Qu'établit entre nous cet heureux cousinage.
L'autre, à ces mots, ne fait qu'un saut,
Mais c'est pour remonter plus haut.
- Quoi ! vous vous éloignez ? dit le rusé compère.
-Oui, mon très honoré cousin ;
Et voici le conseil, s'il faut le dire enfin,
Que m'a donné cent fois votre tante, ma mère :
« Mon fils, entre parents qui se touchent de près
S'élève toujours quelque noise :
« Veux-tu donc avec eux n'avoir aucun procès,
« Ne t'en laisse aborder que de plus d'une toise ;
« C'est le moyen de vivre en paix. »

Livre VII, fable 8




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