Le Renard et l'Écureuil Prosper Wittersheim (1779 - 1838)

Un beau jour, par hasard,
Dans un bois, cheminaient ensemble
Un écureuil, un fin renard.
« Viens, même besoin nous rassemble,
Dit celui-ci, tu vivras avec moi ;
Je suis grand, fort, j'ai de l'expérience,
Et je prendrai bien soin de toi.
— Grand merci ! » répond l'autre ; et, dans sa bonne loi,
A son mentor se livre en toute confiance,
Puis, chacun va son petit trot.

Le renard trouve une noisette,
Et songe à la croquer tout seul, sans dire un mot,
Quand le jeune écureuil, plus heureux, sous l'hcrhctte
Découvre une bien grosse noix.
« Ah ! mon ami ! s'écrie-t-il, vois
Quelle précieuse trouvaille ! »
— Mon enfant, répond le renard,
Les grosses noix n'ont rien qui vaille,
Elles sont creusés la plupart ;
Tiens, changeons, ma noisette est bonne. »

L'échange aussitôt est fait.
La noisette est bonne, en effet ;
La noix, qu'en son âme friponne
Le vieux renard fieffé
Croyait délicieuse,
Est sèche et vraiment creuse.
Pour le coup, le plus fin est pris.
« Vois-tu, dit l'hypocrite,
Vois-tu, mon cher, comme je suis ? »
De ce hasard, il se lait un mérite.

Audacieuse encor dans ses revers,
Et fondant son renom sur sa noirceur extrême,
L'hypocrisie a cent moyens divers
D'en imposer par sa fausseté même.

Livre II, fable 18




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