Un ours, un bouc, un loup,
Tous trois peu sociables,
Pourtant s'appréciant beaucoup,
Se croyaient fort aimables.
Les passants, à leurs yeux,
Ont tous cent défauts odieux.
Le bouc dit que le cheval pue.
Passe un cygne tout blanc,
Qui comme un aigle fend la nue,
Et l'ours s'écrie en ricanant :
« Qu'il est lourd, sale et dégoûtant ! »
Avec une impudence extrême,
Sir loup médit du chien,
Du berger, de son troupeau môme,
Assurant qu'il n'est nul moyen
De vivre en paix dans tout le voisinage.
Ainsi, donnant aux autres ses défauts,
Chacun, dans sa jalouse rage,
Se croit un grand héros,
Un phénix, un vrai sage.
« Bon !... leur crie un renard caché sous le feuillage ;
Il est de ces êtres si bas,
Qui, dans leurs sots discours, ne sauraient se restreindre ;
Pour s'élever à ceux qu'ils ne peuvent atteindre,
Ils pensent qu'il suffît d'en médire en tous cas ;
Mais ils se rendent vils, et ne s'élèvent pas. »