Le Singe Peintre Prosper Wittersheim (1779 - 1838)

La faveur n'est pas toujours
Le prix du mérite ;
Qu'un sage illustre ses jours,
Un sot en hérite.
C'est ainsi qu'il arriva
Que, par suite d'héritages,
Au ministère un âne s'éleva.
C'était à qui lui rendrait plus d'hommages.
Tout ce qui pont plaire est fait,
Comme chacun sait,
Pour une grande Excellence ;
Or, un ministre en un riche portrait
Se voit avec complaisance.
Un peintre est bientôt requis,
C'est un vieux singe, à visage minable,
Dont, selon lui, le talent est exquis ;
Mais le fait est que tout singe est capable.

Un trop fidèle contour
A déjà fait distinguer une oreille...
(Il connaît peu la cour !)
Il va tracer l'autre toute pareille ;
Mais l'Excellence, alors, grince des dents ;
Un courroux noble éclate sur sa face...
Le singe est fin, il sait vivre... il efface...
Il a senti qu'il faut flatter les grands.
Vite, il recommence :
Un beau cheval arabe est là, tout près ;
- Il en emprunte les traits,
Et les yeux de l'Excellence
Brillent du plus vif plaisir :
« Peut-on mieux saisir
Une telle ressemblance ! »
Dit-elle au peintre, et le comble d'honneur.
Dès lors, il est le plus célèbre artiste ;
Un grand nom fait d'un gâcheur
Un talent à l'improviste.

« Entre nous, mon cher,
Lui dit un ami, pourrai-je,
Sans te blesser, savoir comment, hier
Grand barbouilleur, aujourd'hui tu... — C'est clair !
Un ministre me protège. »

Livre VI, fable 7




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