« Je suis sans contredit le plus beau, le plus sage,
Dit un jeune éléphant, donc le plus gracieux.
— Cet argument est vicieux,
Répond un singe à grotesque visage ;
En trois mots, je le prouverai.
Modestie à part, je pourrai,
Pour mon esprit et mon adresse,
De mes traits vous vanter la beauté, la finesse ;
Mais que prouve une qualité
Qu'on possède, eu faveur de celle qu'on envie ?
Seigneur, la grâce et la légèreté
N'illustreront point votre vie.
Examinez-moi ce cheval,
Qui, dans la plaine, élancé, caracole,
La tète altière et le trot martial ;
Voyez quelle gambade et quelle cabriole,
Et dites-moi si vous savez...
— Ta ! ta ! ta ! comment, vous trouvez
Qu'avec un corps si maigre, une jambe si mince,
On a de l'enjouement et le port gracieux ?
Un don si beau, présent des dieux.
Ne peut appartenir qu'au prince.
— La fortune et le rang ne nous donnent jamais
Ce que nous a refusé la nature.
— Vous voulez de cela conclure
Que les chevaux seuls sont parfaits ?
Venez voir le contraire. » Et puis la grosse bête
Lourdement se met à danser,
Veut dresser l'oreille et la tète,
Puis se cabrer, et croit causer
Une extrême surprise ;
Mais le singe en rit tellement
Qu'il lui faut changer de chemise...
«Eh ! que dites-vous, maintenant ?
Reprend, tout essoufflé, le colosse éléphant.
— Vous m'avez convaincu d'une façon palpable
Que la grâce est, du ciel, un don inimitable.