Le Paon et ses Juges Prosper Wittersheim (1779 - 1838)

Au milieu d'un champ verdoyant,
Où brillaient mille fleurs naissantes,
S'avançait avec grâce un jeune et joli paon,
Et ses couleurs éblouissantes
Faisaient pâlir l'émail des prés.

À l'ombre d'un bocage, tout près,
S'étaient rassemblés maints artistes,
Maints connaisseurs, l'abeille, le lézard,.
Le ver à soie, un vieux renard,
Tous un peu rigoristes,
Disputant sur les qualités
Du paon qui s'offrait à leur vue,
Sans dire mot de ses difformités.
Chose rare aujourd'hui dans nos sociétés.

« Si, leur dit le lézard, je n'ai pas la berlue,
Le paon est le plus bel oiseau ;
Ses couleurs ressemblent aux miennes. »
Chacun, ainsi, le trouvant beau,
Vante ses qualités et les compare aux siennes.
L'un aime son port gracieux,
Et l'autre sa brillante aigrette ;
Celui-ci sa queue aux cent yeux,
Et celui-là sa taille et sa grâce parfaite.

Maître renard frotte sa barbe et dit :
« Ce que j'estime plus encore,
Suivant mon faible esprit,
C'est, eût-on ? cent beautés, que seul on les ignore. »

Livre VI, fable 11




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